COVID-19 : Les laboratoires de recherche de l'ECPM sur le front
Bien que la situation se soit améliorée en Europe, la pandémie de COVID-19 due au coronavirus SARS-CoV-2 continue de toucher de nombreux pays et a provoqué à ce jour la mort de près de 500 000 personnes. Bien que le monde de la recherche scientifique, aussi bien sur le plan académique que privé, se soit mobilisé comme jamais face à une maladie, il n’existe pour l’heure aucun traitement, ni vaccin efficace. Néanmoins, des progrès sont effectués quotidiennement et des pistes très intéressantes sont explorées. Très rapidement, les laboratoires de l’ECPM se sont également mobilisés face à cette crise sanitaire et plusieurs équipes mènent actuellement de manière active des recherches très prometteuses. Focus sur leurs activités qui peuvent se décliner en quatre axes : Prévention, Clinique, Diagnostic et Traitement.
Prévention – Le Département des Sciences Analytiques de l’Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (DSA-IPHC, UMR 7178 CNRS-Université de Strasbourg) travaille sur la détection du COVID-19 dans les eaux usées et les boues de station d'épuration. Leur objectif : développer un outil de surveillance de la dynamique de l’infection par le SARS-CoV-2 à l’échelle d’une population. Pour arriver à leur fin, le virus sera quantifié dans les eaux usées de 10 stations d’épuration du Bas-Rhin et une partie du Haut-Rhin. Ce projet s'inscrit dans le cadre du réseau national OBEPINE (Observatoire Epidémiologique dans les Eaux Usées) dont le porteur est le Professeur Olivier Rohr (Laboratoire de Dynamique des Interactions Hôte-Pathogènes EA7292 DHPI de l'Université de Strasbourg). Le Syndicat des Eaux du Bas-Rhin et Moselle (SDEA) intervient également dans ce consortium. L'équipe Reconnaissance et Procédés de Séparation Moléculaire (RePSeM, Prof. Dominique Trebouet et Dr. Maud Villain-Gambier) de l'IPHC intervient dans ce projet et apporte son expertise en procédés membranaires pour la purification et la concentration du virus à partir des eaux usées. Pour consolider ce réseau, une demande de financement a été faite auprès de la région Grand Est.
Prévention toujours – Le Département de Chimie de Matériaux Inorganiques de l’Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg (DCMI-IPCMS, UMR 7504 CNRS-Université de Strasbourg) et l’Institut de Chimie et Procédés pour l’Energie, l’Environnement et la Santé (ICPEES, UMR 7515 CNRS-Université de Strasbourg) s’intéressent à la mise au point de dispositifs permettant de décontaminer l’air des virus afin d’en limiter leurs propagations. La diffusion dans l’air est considérée comme un vecteur important de propagation du virus. Le virus est pulvérisé dans l’air par les patients qui toussent et se dépose ensuite sur des surfaces sur lesquelles il reste actif de nombreux jours. C’est l’objectif du projet FIGHTVIRUS « décontamination des virus dans l’air par une approche originale combinant adsorption et photothermie » porté par la Prof. Sylvie Bégin du DCMI-IPCMS et par le Dr. Stéphane Le Calvé (Equipe de Physico-Chimie de l’atmosphère de l’ICPEES. Leur approche originale : Développer un dispositif en utilisant pour des raisons de sécurité des « Virus Like Particles » (VLP) ou des particules modèles imitant le virus. En cas de succès, ces dispositifs pourraient permettre de limiter significativement la diffusion de virus très impactant pour la santé humaine tels que le virus de la grippe (10 à 15 000 décès par an) ou le SARS-COV-2 (COVID-19).
Clinique – Au DSA-IPHC, l’équipe de Spectrométrie de Masse Bio-Organique (LSMBO, site ProFI-Strasbourg) a réalisé l’analyse protéomique de plasma d’une cohorte d’une centaine de patients jeunes (< 50 ans) des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg présentant un syndrome de détresse respiratoire aigüe. L’objectif de cette étude était d’identifier des marqueurs protéiques, facteurs prédictifs de prédispositions en analysant plusieurs strates moléculaires incluant la génétique (génome), la transcriptomique (RNAseq), la protéomique (sérum et cellules) et la cytométrie en flux (populations cellulaires). La protéomique s’est avérée un outil de choix dans cette étude en permettant une catégorisation non ambiguë des patients COVID+ placés en soins intensifs, versus COVID+ et COVID-. Cette étude est le fruit d’une collaboration strasbourgeoise entre l’unité INSERM UMRS_1109 (Prof. Seiamak Bahram, Dr. Mirjana Radosavljevic, Prof. Raphael Carapito, Dr. Christiane Moog), le service de réanimation du Nouvel Hôpital Civil NHC (Prof. Fehrat Meziani, Prof. Julie Helms), le laboratoire de virologie (Prof. Samira Fafi-Kremer) et le LSMBO (Dr. Christine Carapito, Aurélie Hirschler, Dr. Leslie Muller, Dr. Sarah Cianférani).
En parallèle, l’équipe LSMBO (Dr. Oscar Hernandez-Alba, Dr. Christine Schaeffer-Reiss, Dr. Sarah Cianférani) a également été sollicitée par le service de réanimation du site Hautepierre des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg HUS (Prof. F. Schneider) afin de mettre en évidence des modifications structurelles de l'hémoglobine de patients infectés par la COVID-19. Ce sont cette fois ci les compétences en analyse de protéines entières par spectrométrie de masse structurale en conditions natives et dénaturantes qui ont permis d’appréhender l’intégrité structurale et la capacité de fixation de l’hème de l’hémoglobine.
Diagnostic – Toujours au DSA-IPHC, l’équipe de synthèse pour l’analyse (SynPA, Dr. Loïc Charbonnière) mène actuellement des recherches afin de développer une nouvelle méthode de diagnostic du virus basée sur l’utilisation de nanoparticules ultra-luminescentes à base d’ions lanthanides. Ces travaux sont menés en collaboration avec le centre Paul Strauss de Strasbourg, le centre hospitalier de Haguenau, le centre hospitalier régional de Nancy et la start up Poly-Dtech. Leur objectif : permettre un diagnostic simple, rapide et sensible de la présence du virus dans des prélèvements nasopharyngés. A terme, cette nouvelle méthode pourrait être facilement transposable à la détection de nombreux antigènes et donc de nombreuses pathologies. Ce projet fait actuellement l’objet d’une demande de financement auprès de l’ANR résilience grand Est. Issue de l’équipe SynPA, la startup Poly-Dtech, hébergée au sein de l’ECPM, commercialise l’un des 15 tests de diagnostic de la COVID-19 qui ont été officiellement homologués par le Centre National de Référence. Les tests sont actuellement en vente pour les professionnels de santé.
Le projet Covidog porte lui aussi sur la détection du virus, mais, cette fois, en tablant sur l’identification de sa signature olfactive par le flair du chien. Il a été lancé par Yves Rémond, enseignant-chercheur à l'ECPM associé à Philippe Choquet au sein de l’équipe Matériaux multi échelles et biomécaniques (ICube), et à Christophe Ritzenthaler, virologue à l’Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP). Les trois chercheurs ont été rejoints dans leurs travaux par Twistorama, start-up hébergée à la faculté de pharmacie, spécialisée dans l'analyse de composés aromatiques et par Biodesiv, start-up hébergée à l'ECPM, spécialisée dans l’analyse de matériaux et le développement de matériaux innovants à base de polymère. L’objectif de cette collaboration est d’établir une preuve de concept qui devrait permettre de procéder prochainement à l’entraînement des chiens.
Traitement – Cette pandémie de COVID-19 a mis en lumière l’urgence de découvrir des antiviraux contre les coronavirus humains. Le Laboratoire d'Innovation Moléculaire et Applications (LIMA, UMR 7042 CNRS, Université de Strasbourg, Université de Haute Alsace) travaille sur la recherche d'un possible traitement du SARS-COV-2 (COVID-19). La stratégie originale de l'équipe de Chimie Bioorganique et Médicinale (Dr. Mourad Elhabiri et Dr. Elisabeth Davioud-Charvet) consiste à utiliser de petits électrophores bioinspirés pour lutter contre des maladies parasitaires ou virales. Une série de composés prometteurs de nature polyphénolique a été développée. Ces composés inhibent l'entrée des virions (particule virale hors de sa cellule hôte) et prévient ainsi l'infectivité du pathogène. Une collaboration avec le Docteur Karin Seron (Institut Pasteur de Lille, Centre d'infection et d'immunité de Lille) et le Docteur Céline Rivière (Phytochimie - Pharmacologie, Université de Lille UMRBioEcoAgro) a permis d’identifier plusieurs composés avec un fort potentiel contre le SARS-COV-2. Cette collaboration bénéficie du soutien financier de l'ANR et de la région des Hauts de France (projet FLAVOCOV, AAP ANR Flash COVID-19) et permettra d’optimiser et d'identifier plusieurs composés avec des pouvoirs antiviraux améliorés. L'objectif à terme est de sélectionner les candidats les plus actifs pour une utilisation thérapeutique ou préventive contre le SARS-COV-2.
Toujours dans ce contexte de recherche d’un traitement, l’équipe de bio-informatique du LSMBO (P. Guterl) a été sollicitée au travers de l’Infrastructure Française de Bioinformatqiue (IFB) pour aider au criblage par docking de milliers de molécules contre les récepteurs du SARS-COV1 (SRAS qui a sévit de 2002 à 2004) et du SARS-COV2 (COVID-19). L’automatisation des scripts a permis le criblage d’une douzaine de cibles virales et cellulaires contre sept librairies de ligands (représentant plus de 10 000 molécules, soit 30 000 jobs par récepteur !). Cette étude croisée a permis d'identifier des composés potentiellement intéressants dont la sélection est en cours pour des tests in vitro, le but étant de croiser les données de docking avec les données de criblage sur cellules infectées publiées et de prioriser les composés communs aux deux approches afin de valider le mode d'action de ces molécules en repositionnement. Ce travail est mené en étroite collaboration avec le Dr. E. Decroly (AFMB UMR7257 Marseille) en utilisant les ressources HPC (High Performance Computing) de l’Université de Strasbourg.
Mécanisme d’infection – Afin de mieux comprendre des mécanismes moléculaires et cellulaires fondamentaux et réciproquement, la biologie cellulaire des infections virales, il est nécessaire de travailler sur des aspects plus fondamentaux qui permettront ensuite de cibler de nouvelles molécules pour le diagnostic ou le traitement. L’infection au SARS-COV2 ayant pour conséquence des séquelles neurologiques chez certains patients, l’équipe du Dr. Gaudin (équipe Dynamique membranaire et virus, Institut de Recherche en Infectiologie de Montpellier) a recentré ces recherches sur le SARS-COV-2. Dans ce contexte, l’équipe LSMBO du DSA-IPHC (Dr. Christine Carapito, Aurélie Hirschler, Dr. Joanna Bons, Dr. Sarah Cianférani) réalise l’analyse protéomique d’organoïdes cérébraux (encore appelés « mini-cerveaux ») afin de mieux comprendre l’impact de l’infection virale sur le cerveau, certains patients montrant des signes neurologiques après infection. Les résultats de protéomique seront combinés aux résultats de transcriptomique (RNAseq) pour comparer les changements induits par le virus suite à l'infection. Ce projet constitue un véritable défi de sensibilité pour l’analyse protéomique de ces organoïdes que le LSMBO compte bien relever !
Mourad Elhabiri
Contacts à l’ECPM :
Prof. Dominique Trebouet et Dr. Maud VILLAIN-GAMBIER, RePSeM-DSA-IPHC, dominique.trebouet@unistra.fr ; maud.villain@unistra.fr
Dr. Loïc Charbonnière, SynPa-DSA-IPHC, l.charbonn@unistra.fr
Prof. Yves Rémond, MMB-Icube, yves.remond@icube.unistra.fr
Dr. Christine Carapito et Dr. Sarah Cianférani, LSMBO-DSA-IPHC, ccarapito@unistra.fr ; sarah.cianferani@unistra.fr
Dr. Mourad Elhabiri et Dr. Elisabeth Davioud-Charvet, CBM-LIMA, elhabiri@unistra.fr ; elisabeth.davioud@unistra.fr
Prof. Sylvie Bégin, DCMI-IPCMS, sylvie.begin@ipcms.unistra.fr
Dr. Stéphane Le Calvé, PCA-ICPEES, slecalve@unistra.fr