Pouvez-vous nous présenter le Prix SEQENS ? En quoi consiste-t-il et que valorise-t-il dans le champ de la chimie thérapeutique ?
Dans le domaine de la synthèse pharmaceutique, Seqens accompagne ses clients dans la production de principes actifs, dès les premières phases cliniques jusqu’à l’industrialisation et la commercialisation. Le groupe maîtrise la production d’un vaste portefeuille de principes actifs pharmaceutiques, d’intermédiaires et de génériques. Seqens développe également des produits de spécialité sur mesure pour les industries les plus exigeantes telles que la santé, la cosmétique, l’alimentation et l’hygiène.
Chaque année, le Prix SEQENS de l’Académie des sciences distingue un chercheur ou une chercheuse pour ses travaux dans le domaine de la chimie thérapeutique et de la pharmaco-chimie, liés aux mécanismes d’action des médicaments chimiques. Remis sous la coupole de l’Institut de France à Paris, ce prix incarne l’engagement de Seqens en faveur de la recherche scientifique d’excellence et du progrès thérapeutique.
Pour de nombreuses maladies et en particulier le cancer, les traitements actuellement peuvent ne pas être assez efficaces, pas assez ciblés ou conduire à des effets secondaires qui affaiblissent le patient. La recherche de nouvelles thérapies plus performantes et ciblées est donc un secteur de recherche très actifs dans le domaine du diagnostic et traitement personnalisé de maladies ou cancers.
Que représente pour vous cette distinction de l’Académie des Sciences ? Comment avez-vous accueilli cette reconnaissance ?
Cette distinction de l’Académie des Sciences et de la société Seqens représente pour moi une reconnaissance de tout le travail de recherche que je développe depuis de nombreuses années pour concevoir par des voies chimiques des nanoplateformes efficaces pour le traitement de maladies comme le cancer. Cela me permet de me dire aussi que tout le temps et l’énergie investis en recherche pour trouver de bons étudiants et post-docs, mettre en place des collaborations (avec des biologistes, des spécialistes en imagerie, des médecins…) et obtenir des financements n’ont pas été vains et que la démarche scientifique employée dans ce domaine a été cohérente et porteuse.
Quels sont les axes majeurs de vos recherches au sein de l’équipe Namathy ? Et quels enjeux scientifiques ou sociétaux abordez-vous à travers vos travaux ?
Mes recherches au sein de l'équipe « NAMATHY » portent sur l'ingénierie chimique des nanomatériaux hybrides pour l'environnement et la santé. Une grande partie de mes recherches vise à développer différentes méthodes de synthèse chimique et mécanochimique et à comprendre les mécanismes de synthèse de nanomatériaux hybrides afin de contrôler leur taille, leur forme et/ou leur composition et leur fonctionnalisation. Des nano-objets à base d'oxyde de fer sont ainsi conçus pour combiner des modalités d'imagerie et thérapeutiques dans une seule formulation pour des applications dans le domaine de la santé (traitement personnalisé du cancer, amélioration de la captation des phosphates lors de la dialyse péritonéale et le diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer). Des pérovskites hybrides et des nanostructures d'oxyde de fer sont également combinées avec des matériaux carbonés afin de développer de nouveaux matériaux pour des applications dans les domaines de l'énergie et du contrôle de la pollution de l’eau et de l’air.
Vos recherches portent sur des nanoparticules capables d’associer diagnostic et thérapie. Pouvez-vous nous expliquer ce concept de théranostique et ses applications possibles en santé ?
Un défi majeur de la nanomédecine est de développer des nanoplateformes multifonctionnelles capables de cibler spécifiquement des organes et qui permettent , dans une formulation, le diagnostic, la thérapie et un suivi par imagerie adaptés à chaque patient et à chaque maladie. Ces nanoplateformes biocompatibles multifonctionnelles représentent les innovations les plus ambitieuses en nanomédecine, susceptibles de révolutionner le domaine du diagnostic et de la thérapie (appelé « théranostic ») pour le traitement ciblé du cancer. La croissance explosive des nanotechnologies a donné lieu à des innovations dans la synthèse des nanoplateformes multifonctionnelles et a ouvert la voie à la création de nanomatériaux qui permettront de réaliser de réels progrès dans la mise en place d'une thérapie locale suivie par des imageries à haute résolution. Dans notre cas, nous avons conçu des nanoparticules d’oxyde de fer permettant de combiner plusieurs modes d’imagerie (agent de contraste pour l’IRM, Imagerie par particule magnétique…) et de thérapie (hyperthermie magnétique, photothermie, délivrance de médicaments…) et nous avons couplé à la surface de ces nanoparticules des ligands de ciblage pour cibler spécifiquement des organes malades. L’objectif est qu’une fois internalisées spécifiquement dans l’organe, les nanoparticules puissent permettre de tester différentes thérapies et d’imager, en combinant différentes techniques d’imagerie de résolution et sensibilité complémentaires, l’effet du traitement. Cette approche permet donc d’évaluer l’effet du traitement, de tester différents modes de traitement et d’aller vers une médecine plus personnalisée, agile et adaptée aux patients.
Quels ont été les principaux défis scientifiques rencontrés au cours de vos travaux ? Y a-t-il eu un moment clé ou une avancée décisive dans ce parcours ?
Les principaux défis sont de mettre en place un réseau permettant de collaborer efficacement avec des biologistes, des spécialistes de la thérapie, des spécialistes de l’imagerie et des médecins. En effet, ces recherches sur le développement de nanoplateformes théranostiques nécessitent des approches multidisciplinaires et d’être capable de mettre en place des projets collaboratifs efficaces allant de la synthèse des nanoplateformes à leurs validations in vitro et in vivo. Nous devons convaincre que nos nanoplateformes sont prometteuses avec des preuves de concept et ensuite les tester sur des cas concrets de cancers avec des spécialistes du domaine. Nous avons ainsi pu comprendre que les comportements in vitro and in vivo peuvent être très différents et que tous les résultats doivent être analysés avec beaucoup de recul avec des spécialistes.
Ces recherches impliquent des compétences variées. Comment se construit la collaboration au sein de votre équipe et avec vos partenaires académiques ou industriels ?
Une de mes maximes préférées est que « tout seul on va plus vite, ensemble, on va plus loin ». Avec de telles recherches multidisciplinaires et des collaborateurs d’horizons variés, il a donc été nécessaire de prendre le temps de bien se connaitre, d’expliquer les projets de différentes façons, de comprendre le vocabulaire utilisé par chacun, de fédérer les partenaires sur des enjeux communs où chacun s’y retrouve. Il est donc important d’organiser des réunions régulières, d’échanger sur les résultats obtenus, comprendre les difficultés de chaque partenaire, trouver des solutions en profitant ainsi de l’expérience et du recul de chacun pour pouvoir avancer tous ensemble plus efficacement.
Selon vous, en quoi ce prix met-il aussi en lumière la qualité de la recherche menée à l’ECPM et à l’Université de Strasbourg ?
L’Université de Strasbourg est reconnue comme première université européenne dans le domaine de la Chimie et intègre aussi de la recherche en physique, imagerie, biologie…. Nous avons la possibilité d’obtenir des financements par de nombreuses et diverses voies (Idex, ITI, EUR, Fondations, CNRS…). L’ECPM, composante de l’Université de Strasbourg, est également une école d’ingénieur chimiste reconnue intégrant/adossée à des laboratoires de recherche de renommée internationale. Ce prix met en lumière l’environnement exceptionnel/très constructif dans lequel ces recherches ont été menées.
Quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes chercheurs et chercheuses de l’ECPM ?
« Tout seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin ».