Sortie livre : "L'art du combat en laboratoire" écrit par Philippe Compain

Découvrez le premier livre de M. Philippe Compain, professeur à l'ECPM et chercheur au LIMA.

À l’occasion de la sortie de son livre “L’art du combat en laboratoire” aux éditions Hermann, Monsieur Philippe Compain nous en dit un peu plus sur son métier de chercheur et sa nouvelle casquette d’auteur. Découvrez-en un peu plus lors de cette interview.

Qui êtes-vous et quel est votre rôle à l’ECPM ?

Je m’appelle Philippe Compain. Je suis Professeur de chimie organique à l'ECPM, en charge de la filière Chimie moléculaire de l’école. En tant qu’enseignant-chercheur, j’exerce aussi une activité de recherche, et à ce titre, je suis responsable de SYBIO, une équipe au sein du LIMA (unité mixte de recherche associée à l’école) dont le but est de concevoir et de synthétiser des mimes de sucre bioactifs.

 

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?

Beaucoup de choses, mais je dirai que ce qui m’a donné envie d’écrire, c’est d’abord un livre.
Ce livre “La statue intérieure” a été écrit par un prix Nobel de médecine : Monsieur François Jacob. Il mêle mes deux passions : l’histoire et la science. A 20 ans, François Jacob rejoint les forces françaises libres à Londres. Gravement blessé en août 1944, il doit renoncer à son rêve de devenir chirurgien. Par hasard, il découvre la biologie moléculaire, une discipline émergente à l’époque. Il finit par intégrer l’institut Pasteur, où il obtient le prix Nobel une quinzaine d’années plus tard, en 1965. Ce livre raconte magnifiquement la jubilation que l’on éprouve à faire de la recherche, le côté ludique d’une aventure jalonnée d’énigmes et de trésors à découvrir. C’est ce qui m’a le plus fasciné dans son ouvrage et m’a donné le goût de la science et de la lecture.

J’ai toujours été depuis un grand lecteur. Je pense que secrètement mon rêve a toujours été d’écrire un livre. Ce n’est pas les idées qui manquaient mais il fallait trouver la bonne. Et puis un jour en courant, sans y penser, un titre m’est soudain apparu : “la recherche fondamentale est un sport de combat”.

J’ai alors instantanément senti que j’avais assez de matière pour écrire un livre, un livre qui pourrait faire ressentir aux lecteurs ce qu’est le métier de chercheur ; toutes mes lectures, toutes mes expériences et mon vécu de chercheur me donnaient l’espoir d’aller au bout.

 

Quelles sont les principales thématiques que vous abordez dans votre ouvrage ?

Dans ce livre les multiples combats des chercheurs sont abordés. La recherche fondamentale est en effet un combat passionnant.

  • C’est d’abord un combat contre l’inconnu et la matière. Le chercheur est comme un aventurier qui explore des mondes nouveaux où il se perd souvent et connaît nombre d'échecs et de tentatives infructueuses. Les chercheurs sont un peu comme les marins de Magellan, se perdant dans le dédale du détroit qui portera son nom, sans aucune certitude de déboucher sur un nouvel océan.
  • Dans toute aventure il y a aussi le danger, même symbolique, de “jouer sa peau." On pense par exemple à Robert Koch, le découvreur du bacille de la tuberculose, lorsqu’il s’injecta lui-même la tuberculine qu’il avait préparée à partir de l’agent pathogène, espérant ainsi découvrir un traitement pour cette maladie mortelle.
  • Il y a aussi les combats pour arriver le premier dans la course à la découverte. L’enjeu est important car on ne redécouvre pas deux fois la structure de l’ADN !  Comme pour les alpinistes : il n’y a qu’une seule équipe qui arrive en premier au sommet de l’Everest.
  • Plus loin de la paillasse, nombre de combats sont menés pour obtenir des financements sur projets. C’est une rude compétition avec des taux des succès souvent faibles.
  • On peut parler aussi de combats qui ne sont pas uniquement liés au monde de la recherche : par exemple le combat des femmes, qui ont dû briser des plafonds de verre pour se faire une place, à l’instar de Marie Curie.
  • Et puis il y a ce que j’appelle l’extension du domaine de la lutte, en référence au titre du premier roman Michel Houellebecq, les chercheurs aujourd’hui doivent faire face à de nouveaux combats, qui ne sont plus choisis mais subis. Je pense par exemple au pouvoir de la bibliométrie, qui transforme les publications en chiffres et en « indicateurs d’impact ». Certains en ont parlé comme des « armes d’évaluation massives » !  La pression est aussi forte sur les chercheurs. Les premiers à qui s’adressent leur travail, à travers les publications, sont aussi des chercheurs, parfois même des concurrents. Imaginez la pression d’un chef cuisinier qui n'aurait comme clients que des chefs cuisiniers. Le chercheur doit aussi faire face à un accroissement des tâches administratives qui contraignent de plus en plus son travail. Cette bureaucratisation est d’autant plus invasive et puissante, qu’elle est numérisée.
  • Enfin, l’une des nouvelles difficultés, c’est le combat contre ce que l’on peut appeler les nouveaux obscurantistes qui remettent en cause la science pour des raisons idéologiques ou financières.

L’art du combat en laboratoire est un titre évocateur, quel a été à ce jour votre plus grand combat en tant que chercheur ?

Mon combat actuel, comme je pense beaucoup d’enseignants-chercheurs, est de faire de la recherche. C'est-à-dire de parvenir à dégager du temps et à trouver des financements pour exercer cette activité de façon pérenne. Je me sens parfois comme un guerrier Jedi qui, après une très longue formation de padawan, aurait d’abord pour mission principale de répondre à des appels à projets pour financer son sabre laser !

 

Un combat implique une finalité, quelle est à ce jour votre plus grande victoire ?

Peut-être que l’une de nos plus grandes victoires au laboratoire a été la découverte de ce que l’on a appelé l’effet multivalent sur l'inhibition d’enzymes.

La question que nous nous sommes posée était la suivante : “que se passe-t-il si l’on met plusieurs copies d’un inhibiteur d’enzymes sur une plateforme moléculaire comme le fullerène (la molécule de C60 en forme de ballon de football) ?"

Un inhibiteur est comme une petite clé moléculaire qui va bloquer une serrure, ici l’enzyme, une macromolécule. Les enzymes sont essentielles à la vie. Si par exemple on inhibe (ou dit plus simplement, on bloque) l’enzyme d’un virus, on peut découvrir un agent antiviral comme le Tamiflu. Nous avons d’abord dû relever le défi de la synthèse, par chimie « Click », des molécules multivalentes. Ces structures ressemblent à des pieuvres moléculaires, avec, au bout de chaque bras, une copie de l’inhibiteur (la clé). Nous les avons ensuite envoyées en test dans un laboratoire à Séville. Les résultats sont revenus petit à petit, d’abord nous avons eu des molécules peu actives, puis des molécules deux à trois fois plus puissantes que le composé monovalent sur certaines enzymes. Enfin un jour est arrivé l’email annonçant qu’une molécule portant 12 copies de l’inhibiteur était 2000 fois plus puissante sur l’inhibition d’une enzyme. Cette molécule n’était pas 12 fois plus puissante mais 2000 fois !  Nous étions donc bien au-delà d’un effet statistique ! A partir de là, beaucoup de champs d’exploration s’ouvraient. Il fallait d’abord comprendre et expliquer cet effet au niveau moléculaire. Nous voulions aussi le pousser dans ses limites (qui ont atteint par la suite un effet supérieur à 180 000 fois). Enfin, nous voulions identifier des enzymes d'intérêt thérapeutique sensibles à l’effet multivalent. Pour reprendre l’image des marins de Magellan, lorsqu’on explore un nouveau domaine de recherche, on n’est jamais totalement certain de la voie à suivre ni des meilleures stratégies à adopter.

Ici pour la première fois dans ma carrière, les directions de recherche semblaient évidentes pour les années à venir : il fallait comprendre, optimiser et appliquer ce nouvel effet, et les pistes pour y parvenir semblaient claires.  

    

Merci pour cet échange, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Pour finir cet échange, je voudrais remercier Cécile Vallières, l’une des premières lectrices du livre, pour son soutien précieux. Ce fut une belle surprise de recevoir son retour enthousiaste, et de découvrir qu’elle avait pris le temps de lire le livre en un week-end malgré ses nombreuses obligations comme directrice de l’ECPM. En tant qu'auteur d'un premier livre, un tel soutien est d'une grande valeur et m’a fait chaud au cœur. Il m’a aussi confirmé que mon travail pouvait trouver une résonance et donner à réfléchir.

 

Où trouver votre livre ?

Vous pourrez trouver le livre sur toutes les grandes plateformes en ligne :

Librairie Kleber

Cultura     La Fnac     E.Leclerc     Amazon  D’ailleurs les premières pages sont disponibles gratuitement à la lecture sur le site de la Fnac.

Le livre est également disponible sur commande dans toutes les librairies, et présent physiquement dans certaines, comme la librairie Kléber à Strasbourg.